Monde & Vie
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La France censurée
Le 16 août dernier, l’inénarrable Christophe Barbier, l’homme qui coule un journal aussi sûrement qu’un iceberg a pu couler le Titanic, se demandait récemment dans l’une des vidéos qu’il poste sur Internet si « la liberté d’expression, lorsqu’elle franchit les bornes de l’insoutenable, ne doit […] pas être limitée ? » Les bornes de l’insoutenable, pour l’écharpé de rouge du PAF, ce sont les déclarations du comédien Dieudonné. « Comme l’affaire Dieudonné a amené à réviser la liberté d’expression totale en France, on a l’impression qu’aux États-Unis, malgré leur constitution, malgré leurs traditions, ils devraient se poser cette question-là », poursuivait Barbier, prêt à légiférer outre-Atlantique. Juste une question, toutefois : où a-t-il pris que la liberté d’expression était totale en France avant « l’affaire Dieudonné » ? Barbier n’a-t-il jamais entendu parler des lois Gayssot condamnant le révisionnisme ? Ni des interpellations d’opposants à l’avortement coupables d’avoir prié dans la rue devant des hôpitaux pratiquant cet acte de mort ? Ni de la sanction prise à l’encontre du professeur Philippe Isnard, renvoyé de l’Éducation nationale pour avoir organisé dans le cadre d’un cours d’éducation civique un débat sur l’avortement ? Ni, tout simplement, de cette regrettable tendance à “l’auto-censure” qui sévit dans la presse et vaut à ceux qui ne s’y soumettent pas d’être « virés » des titres ou des émissions auxquels ils collaborent, comme Natacha Polony (photo) en a fait récemment l’expérience, après Eric Zemmour ou Robert Ménard ?… Zemmour avait en outre été condamné, en décembre 2015, à 3 000 euros d’amende pour « provocation à la haine envers les musulmans », après avoir déclaré dans un entretien accordé en octobre 2014 au journal italien Corriere della sera que les musulmans « ont leur code civil, c’est le Coran » et que « cette situation de peuple dans le peuple, des musulmans dans le peuple français, nous conduira au chaos et à la guerre civile ».
Les musulmans ne sont plus Charlie
Faut-il rafraîchir la mémoire à Christophe Barbier en lui rappelant aussi les mésaventures survenues à Jean Roucas l’ancien humoriste du Bébête Show, après sa participation à l’université d’été du Front national en septembre 2013 ? Le 29 mars 2015, après avoir émis un tweet dans lequel il protestait contre des agressions subies par des candidats FN et concluait : « Valls et ses SA en action. Heil Hollande », il est renvoyé du théâtre des Deux ânes où il se produisait et écarté de l’émission Vivement Dimanche dans laquelle Michel Drucker envisageait de l’engager. Quelques mois plus tard, Roucas annonçait s’éloigner de la politique : « J’ai subi de nombreux boycotts. J’ai payé tout cela très cher. » L’humoriste avait-il « franchi les limites de l’humour », comme les juges le reprochèrent au journal Minute coupable d’avoir titré « Taubira retrouve la banane » ? Barbier peut donc se rassurer, la liberté d’expression, en France, est de plus en plus bridée. Il suffit, pour le vérifier, de rappeler les atteintes qu’elle a subies en 2017, avec, par exemple, la loi du 27 janvier sur la liberté de la presse et les diffamations à “caractère” raciste, antisémite, “homophobe” ou sexiste ; celle du 20 mars étendant le délit d’entrave à l’avortement ; l’amendement au projet de loi de moralisation de la vie publique voté en juillet et frappant d’inéligibilité les personnes ayant été condamnées pour des faits de discrimination, injures, diffamations publiques ou provocation à la haine raciale, sexiste ou à raison de l’orientation sexuelle ; ou encore le décret publié le 3 août par le gouvernement, « relatif aux provocations, diffamations et injures non publiques présentant un caractère raciste ou discriminatoire », qui invente en outre le concept de « transphobie » (comprendre : la haine des transsexuels). Non public… ! Si le moindre mot de travers peut donner lieu à une plainte, les tribunaux n’ont pas fini d’être engorgés…
Pouvoir désigner l’ennemi
Surtout, dans ce cas, toute critique à l’égard de l’islam, publique ou pas, ne risque-t-elle pas d’être considérée comme diffamatoire à l’égard de la communauté musulmane et punie comme telle par la justice ? Alain Marsaud, ancien patron du service central de lutte antiterroriste au parquet de Paris, pourra-t-il continuer à s’indigner, comme il l’a fait le 18 août sur BFMTV, après les attentats de Barcelone, qu’ « à aucun moment on a entendu le mot d’islamo-fascisme, d’islam intégriste », et à déplorer qu’on n’ait « pas osé nommer l’ennemi » ? Tombera-t-on sous le coup de la loi chaque fois que l’on transgressera le “pas d’amalgame” de rigueur parmi les prétendus “antiracistes” subventionnés ? Charlie-Hebdo, journal obsessionnellement anti-religieux dont la une consacrée à « l’islam, religion de paix… éternelle » a suscité une polémique qui n’a pas cours quand le christianisme fait les frais de ses humeurs, sera-t-il susceptible d’être condamné comme le fut Eric Zemmour pour provocation à la haine envers les musulmans ? Ou devra-t-on, pour échapper aux foudres des censeurs, prétendre que tous les chats noirs sont blancs ?
Hervé Bizien