Monde & Vie
- Taille de police Réduire la taille de la police Augmenter la taille de police
- Imprimer
Notre conversion écologique
La maison brûle, et la climatisation n’y changera rien. Nos activités mettent en péril notre « maison commune », et remettent chaque jour en cause l’habitabilité de la Terre. On peut donner de nombreux chiffres pour illustrer la gravité du désastre écologique en cours. Les données dont on dispose sont vertigineuses. En voici quelques exemples. Chaque année, c’est entre 13 et 15 millions d’hectares de forêts qui disparaissent. Plus de 50 % des zones humides mondiales, ces réservoirs de biodiversité, ont disparu au siècle dernier. Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), un fruit importé hors saison par avion consomme 10 à 20 fois plus de pétrole que le même fruit acheté localement et en saison. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), sur les 100 cultures qui produisent 90 % de l’alimentation mondiale, 71 dépendent du travail des abeilles. Or, on estime que, depuis 1940, la moitié des ruches a disparu dans le monde, principalement à cause des pesticides. Vous en voulez encore ? Chaque année, les déchets plastiques causent la mort de plus d’un million d’oiseaux marins et de plus de 100 000 mammifères marins. Par ailleurs, si la tendance du changement climatique reste la même, il pourrait y avoir 250 millions de réfugiés climatiques chaque année autour de 2050, contraints de s’exiler devant la destruction de leurs lieux de vie. Et puis il y a cette autre statistique, monstrueuse : si toute l’humanité vivait selon le modèle productiviste actuel, il faudrait l’équivalent de cinq planètes ! Georges Bush nous avait prévenu : « Le modèle de vie américain est non-négociable ». Mais nous, chrétiens de France ? Sommes-nous prêts à revoir le cahier des charges ?D’une part, cet enfer épuise tout ce qu’il touche, les bêtes comme les forêts, les abeilles comme les femmes : les terres arables sont rendues infertiles par leur exploitation effrénée, de même que les problèmes de stérilité conjugale du fait, notamment, du stress de la vie citadine et de la surexposition aux pesticides, ne font qu’augmenter. Et, d’autre part, il détruit : comme l’illustrent les ravages causés par la pollution atmosphérique sur la biodiversité, mais aussi, de plus en plus, sur la santé humaine.Il y a plein d’alternatives On pourrait empiler les chiffres et accuser les États-Unis, les Chinois, les Russes ou Margaret Thatcher d’être coupables du pire. On peut, aussi, passer du global, c’est-à-dire de notre compréhension du monde tel qu’il ne va pas, à l’action locale, c’est-à-dire agir dans le monde, hic et nunc, et préparer des alternatives fécondes. On peut, selon le mot du théologien et philosophe Jacques Ellul, « penser global tout en agissant local ». Pour ne prendre que quelques exemples : les alternatives à la grande distribution existent (nous les avons rencontrées !), il y a L’AMAP, bien sûr ! Ces « associations pour le maintien d’une agriculture paysanne » regroupent des personnes autour d’un maraicher bio qui, chaque semaine, pour une somme très accessible, livre un panier de légumes. Cela ravive le lien social et implique le consommateur en lui octroyant une responsabilité que le supermarché serait incapable de donner. Dans le même genre, celui des mastodontes à contourner, La Nef est une banque qui entend donner du sens à l’usage de l’argent, partant du constat que la terre, l’eau, l’air, les forêts, mais aussi les savoirs et les cultures, sont autant de biens communs actuellement menacés par nos modes de production et de consommation. On pourrait citer ici toutes les alternatives à l’énergie nucléaire, aux transports polluants, à la pilule contraceptive (qui, jeté dans les cours d’eau, stérilise aussi les poissons), mais aussi à la grande entreprise, à l’École uniformisée, à la Santé des laboratoires etc. L’écologie intégrale n’est pas un luxe, mais une urgence. De notre conversion écologique dépend le sort de notre monde, de sa beauté, de son hospitalité, et du sens de l’existence humaine qui ne peut se réduire à une course effrénée vers l’accumulation. Nicholas Georgescu-Roegen, illustre initiateur de la décroissance, estimait que la société ne devait pas avoir pour but l’augmentation du Produit intérieur brut, mais devait viser « le flux immatériel toujours mystérieux de la joie de vivre ». La finalité de l’existence ne consiste pas à se soumettre à l’argent, à la croissance éternelle de la production, de la consommation, aux lois du commerce, au développement de la technique, de l’industrie, des mégapoles ; l’existence doit avoir d’autres finalités écrivait-il, comme la fraternité, l’entraide, l’épanouissement de nos facultés créatives, la recherche de la beauté, de l’harmonie, de l’équilibre, la justice, la dignité, la liberté, la générosité, la sagesse, la vertu… C’est un travail pour l’écologiste de ce siècle, et plus encore pour le chrétien.
Paul Piccarreta, directeur de la rédaction de Limite